Petit retour

Un ami bloggeur auteur du blog https://surdoue-ou-pas-surdoue.com me demandait hier si j’écrivais encore. J’écris oui mais pour moi, j’écris pour vider mon coeur et surtout mon cerveau de tout ce qu’il se passe aujourd’hui dans ma vie. Peut-être en ferais-je quelque chose un jour, je l’espère. Et puis j’oublie un peu le blog parce que peu de lecteurs mais aussi par peur du jugement que les gens devant leurs écrans pourraient porter sur ma vie et sur tout ce qui se passe en ce moment pour moi. Alors pourquoi tenir un blog me direz-vous ? Pour parler et échanger, moi qui suis assez isolée, mais ce n’est pas vraiment le cas ici, ce que je trouve dommage………

Après l’opération du cancer de mon mari et son retour à la maison il a fallu faire face aux séquelles urinaires et sexuelles qui étaient annoncées mais je retrouvais un mari comme je l’avais toujours connu, bien loin de celui qu’il a été durant un an lorsque j’ouvrais ce blog et me plaignais beaucoup de son comportement. Il s’avéra très vite, quelques semaines après son retour, que ce que j’avais pris pour de la dépression était beaucoup plus grave et profond que cela. Laissant trainer beaucoup (trop) de preuves j’ai découvert tout ce qu’il m’avait caché durant un an et surtout toutes les énormes bêtises qu’il a fait durant cette période. Ce furent des jours et des jours de combats pour lui faire avouer, quelque chose qu’il n’arrive pas à faire de lui-même (alors il laisse des traces), des jours et des jours pour encaisser, pour parler, pour comprendre. Il est évident que si je n’avais pas été HP ou surdouée je n’aurai pas autant cherché ni à découvrir ni à comprendre l’homme qu’il avait été durant cette période et que je serai simplement partie. Oui mais voilà il faut pour moi que tout est un sens et en voyant mon mari souffrir à ce point de tout ce qu’il avait fait l’année écoulée, en le voyant s’écrouler, crever de honte, de dégoût de lui même, s’effondrer et m’avouer tout un pan de sa vie que j’ignorais je n’ai pu faire autrement que de chercher à comprendre, à faire preuve d’empathie et à finir par pardonner. Je n’en suis pas à accepter mais à pardonner sans doute ai-je déjà réussi.

Il y a un an et demi il a fait deux rêves prémonitoires où il se voyait atteint d’un cancer mais surtout où il se voyait mourir d’où son début de thérapie. Et là toute son enfance souvent liée à la mort lui a pété à la tête, tout ce qu’il avait consciencieusement enfoui est remonté violemment. Ce fut un deuxième choc pour lui. Il m’en a parlé à ce moment là mais je ne savais pas la profondeur de son mal-être qu’il me cachait d’une part parce qu’on lui a appris à fonctionner comme cela, on ne montre pas son mal-être, ses émotions, ses peurs, ses ressentis mais aussi pour me protéger, lui le chevalier avec une épaisse armure qu’il a toujours été. Alors en bon stéréotype d’homme d’une autre époque (j’ose l’espérer) il a continué à s’enfoncer petit à petit de plus en plus profondément et il a fini par être rattrapé par ses vieux démons d’enfance. Il m’a menti, trahie, il s’est inventé un scénario pour échapper à sa peur et il a plongé la tête la première dedans en jouant un rôle à l’extérieur. Et puis le cycle infernal étant lancé il ne pouvait plus s’arrêter et à l’annonce du cancer les choses se sont amplifiées d’autant que j’étais du côté des « ennemis », du côté des médecins qui voulaient le mutiler, lui enlever ce qui faisait de lui un homme et ma positivité l’insupportait à ce moment là. Il continuait son travail en thérapie et se rendait de plus en plus compte de ce que je représentais pour lui : tout, son âme soeur, l’amour de sa vie mais il savait dans le même temps qu’il me faisait déjà souffrir sans que je sache exactement ce qu’il faisait dans mon dos. Jusqu’à quelques jours de l’opération il s’est remémoré toutes mes paroles sur l’acte en lui même, sur l’après, sur la chance qu’il avait de pouvoir être sauvé de ce cancer etc…….. Et il a fini par accepter tout ceci grâce à moi dit-il, sans moi il se serait sans doute enfui.

Nous avons vu la psy en urgence quand j’ai découvert tout ce qu’il avait fait l’année dernière et que j’étais dans un état plus que lamentable car cela faisait vraiment trop à supporter avec tout ce qui venait de se passer durant un an. La question que je me posais était la suivante : je connais bien mon mari, mieux que n’importe qui au monde, mais je sais aussi que les surdoués sont la proie idéale des manipulateurs ; mon mari m’ayant menti, trahie, suis-je une débile profonde qui pardonne par peur de l’abandon ou par un trouble de l’attachement ou suis-je assez intelligente et empathique pour simplement comprendre son immense souffrance qui l’a poussé à plonger dans ce cirque infernal ? La réponse de la psy fut la suivante : « vous n’êtes pas débile, il n’est pas un manipulateur, il n’est pas un menteur pathologique non plus, il souffre d’une vraie pathologie qui s’est formée dans la souffrance de son enfance et qui le force à inventer des choses pour se protéger, vous êtes intelligente, très intelligente et vous comprenez simplement ce qui l’a amené à ce stade là, en outre je n’ai jamais vu un amour comme celui que vous avez l’un pour l’autre, ou très rarement, et vous avez toujours été là l’un pour l’autre, vous surmonterez cette épreuve comme vous avez toujours tout surmonté ! »

Depuis nous parlons beaucoup, je découvre tout un pan de la construction bancale de mon mari que je ne connaissais pas, je vois l’enfant en souffrance en lui comme il a toujours vu l’enfant en souffrance en moi. Il me fait part de tout ce qu’il veut changer dans sa vie, il est investi dans sa thérapie comme il n’a été investi dans rien d’autre à part son métier, il est décidé à changer ce qui cloche et me demande de l’aider. Je dois reconnaître que lui a toujours été là pour moi avec mes angoisses, mes attaques de panique, mes problèmes, la découverte de ma surdouance qui dans cette année de m… lui a filé un vrai coup aussi et qu’il ne m’a jamais lâché la main en 27 ans. Alors oui, je vais continuer à faire évoluer mon couple et tant pis pour ceux qui pense que je suis une crétine, ce sont les mêmes qui ne connaissent absolument pas quel homme merveilleux est mon mari, ceux qui le savent comprennent………….

Voilà aussi pourquoi je n’écris plus, difficile d’avouer tout ceci sans être jugés que ce soit lui ou moi, difficile de raconter tout cela et encore je ne raconte pas toutes les bêtises qu’il a faite cette année mais j’aime cet homme depuis 27 ans comme lui m’aime et si être surdouée c’est avoir la capacité de comprendre les autres alors tant mieux. Il ne faut juste pas que je m’oublie et que je prenne soin de moi parce que là je suis épuisée moralement et physiquement et bien seule, je n’ai qu’un vrai ami et notre fille bien sûr.

Suréfficiente et heureuse ?

En lisant un article sur le fait d’être surdoué(e) et heureux sur un super blog pour surdoués Suivezlezèbre je me suis posée mille questions, comme toujours me direz-vous !

D’ailleurs en écrivant le titre je me rends compte qu’avant j’aimais le mot suréfficient, il me parle bien mais que je vois tellement de blogs et de gens parler de zèbres et de surdoués que je finis par employer ces mots là. Mais ceci est un autre sujet !

J’ai été heureuse parfois, souvent, en ce moment c’est plus compliqué bien sûr. Je me rends compte que tout dépend aussi des moments de la vie, en ce moment avec la déprime-remise en question de mon mari + son cancer + l’opération il est un peu difficile d’être heureuse. Et puis mes attaques de panique, le travail que je fais sur le fait de pouvoir rester seule, sur le pourquoi de mon syndrome de l’abandon et la découverte de ma suréfficience dans le même temps évidemment rendent les choses encore plus difficiles ! Mais hier soir je me demandais après avoir lu cet article ce qui faisait que je pouvais parfois être si malheureuse et encore plus depuis la découverte de ma surdouance. Et j’ai fait une sorte de liste (oui j’aime bien les listes) du pourquoi j’ai du mal pour l’instant à être heureuse en étant suréfficiente :

  • Avant je ne comprenais pas pourquoi mes proches ou des moins proches ne comprenaient pas certaines situations dont je voyais l’issue immédiatement. Aujourd’hui je sais qu’ils n’en sont pas capables, pas capables d’anticiper aussi vite que moi, de voir la situation dans sa globalité, de voir les tenants et les aboutissants aussi rapidement que moi. Ma psy me dit que je ne leur laisse pas le temps de se faire leur propre avis et leur propre expérience et qu’ils peuvent me détester pour ça.
  • Dans le même ordre d’esprit j’ai du mal à comprendre que si moi je suis capable de faire un truc, les autres ne le sont pas. Pour être plus précise si moi, personne lambda, j’arrive à faire un truc les autres devraient y arriver aussi non ? Donc je nie ma surdouance par habitude encore une fois…..
  • La logique, mon mot préféré. Je trouve les gens illogiques et je ne comprends pas qu’ils n’aillent pas immédiatement vers ce qui est logique et censé.
  • Les autres, les voisins and co. Ha, vaste sujet ! Comment peut-on penser que l’on est seul au monde au point de faire autant de bruit quand on mange dehors, que l’on se baigne, que l’on fait un repas de famille ou simplement que l’on jardine ? Comment ne pas penser aux autres, aux voisins (petite dédicace à la famille braillarde qui habite derrière chez moi) ? Et je précise que je n’habite pas en appartement mais en maison avec grand terrain ! Le nouveau voisin lui a pris un magnifique chiot d’un an à présent et il le laisse des journées voire des week-end entiers seul dans son jardin à hurler et aboyer tant il est effrayé ! Se rendant compte de cela il a acheté un collier anti-aboiements mais ce week-end il est tout de même parti en le laissant pensant ainsi que personne ne se plaindrait ! Cette pauvre bête ne pouvant aboyer sans avoir mal a hurlé l’autre nuit de peur et peut-être de douleur réveillant mon chien qui a aboyé en réveillant toute la maison, a hurlé à la mort ce matin parce que son maitre n’est pas encore rentré. Pourquoi prendre un chien alors pour le laisser seul sans cesse ? Parce que j’ai bien compris que les week-end où il le laisse il part retrouver sa copine, pas bosser ! Et personne dans le quartier ne dit rien bien sûr, moi seule passe pour une vilaine, une sorcière ! Et même le maire qui habite en face se tait, un vrai lâche ! Cette situation me révolte et je ne comprends pas du tout l’attitude de tout ce beau monde, voisins bruyants et autres………. J’en ai marre de passer pour la méchante parce que les gens ne sont pas logiques ou respectueux ! Moi je me bats pour empêcher mon chien d’aboyer à longueur de journée et si je dois le laisser seul (lui aussi hurle) je l’enferme dans la maison et ne pars pas plus de 2h.
  • J’ai également du mal à supporter que l’on ne fasse rien pour apprendre, se cultiver, que l’on passe son temps devant la télé à regarder des débilités même si oui, je regarde aussi la télé et pas que Arte mais aussi parfois des émissions plus populaires mais je lis aussi, beaucoup…… et je suis fan de grands films.
  • Sur le même sujet je ne comprends pas que le « bon peuple » érige en idéaux des abrutis comme Hanouna ou les footballeurs du PSG par exemple. Que les chanteurs et acteurs préférés des français soient des gens vulgaires et bêtes trop souvent. Je me reconnais une faculté : voir au delà des apparences et sentir immédiatement si quelqu’un est une belle personne ou pas et ça me saoule de voir que les gens adorent des soi-disant stars que moi je sens mauvaises à l’intérieur.
  • Pourquoi les gens font-ils des enfants avec n’importe qui, trop vite, des enfants qui grandiront mal et de manière chaotique ? Et je ne vois que ça autour de moi ! Mais le sujet des enfants et des animaux (sans excès non plus je ne suis pas Brigitte Bardot qui aime les animaux mais pas les gens) me fait me disputer avec plein de gens en fait…………..

Mais cette liste pourrait s’allonger tant et tant…………. Pourtant en écrivant cette énumération j’ai l’impression d’être quelqu’un d’intolérant, de tyrannique, de méchant même si l’on me reproche une trop grande empathie et une trop grande gentillesse dans la vie. Mais il y a des principes auxquels je ne peux déroger : le respect des autres, la logique, le besoin de se cultiver, de s’élever et je hais ce que je vois dans mon pays en ce moment où presque tout me désole, chacun avec ses petites revendications bien à lui se foutant du bien collectif et encore moins du pays. Sur certains sujets j’accepte d’être différentes des normo-pensants mais cela me fait souffrir car m’isole encore plus que ce que je n’étais déjà mais sur d’autres j’ai du mal à accepter cette différence. Et le fait de ressentir les choses, d’avoir des pressentiments, des intuitions, de voir au delà des masques n’aide pas à être heureux je l’avoue aussi………………

Et la question que je me pose ensuite c’est : si je comprends bien je dois accepter les normo-pensants comme ils sont alors que moi on ne m’accepte pas comme je suis et donc dois-je m’adapter moi à la majorité ? Dois-je prendre sur moi encore et encore, dois-je continuer à me sentir seule ou arriverais-je à m’accepter comme je suis en acceptant les gens comme ils sont et donc chacun dans son monde ? Je ne suis pas sûre d’y arriver ………….mais j’y travaille !

Faire le point

Ce matin j’ai envie, besoin, de faire le point sur moi, sur ma vie, comme je le fais très (trop ?) souvent.

Il s’est passé tant de choses en quelques mois que je ressors lessivée, épuisée et perturbée même si c’est plutôt un état normal chez moi ! Mon mari est rentré lundi dernier de la clinique après un week-end mouvementé pour lui où je l’ai vu très mal et dont les images ne sont pas prêtes de sortir de mon esprit. Nous avons donc été le chercher quelques heures après le départ de mon meilleur ami, ce qui fait que je ne suis pas restée seule sans cette fameuse « protection » dont je n’arrive pas encore à me passer même si je peux rester avec ma fille mais elle reste ma fille et pas le contraire ! ! Je n’ai jamais supporté de voir les gens souffrir ou être mal mais c’est encore bien pire quand il s’agit de quelqu’un que j’aime et encore pire quand il s’agit de mon mari que je n’avais jamais vu dans un état de faiblesse et de souffrance physique. Ce fut très difficile.

Son retour fut angoissant mais nous étions tellement heureuses de récupérer notre père et mari même s’il avait une sonde avec poche à pipi au bout, 36 points de sutures et toutes les suites post-opératoires qui le faisaient souffrir. J’avais préparé la maison, le salon qui devient sa chambre pour quelques semaines parce qu’il ne peut pas encore réintégrer le lit conjugal, il dort mal, il a mal et il a besoin de son espace pour se remettre et qu’il ne veut pas m’empêcher de dormir moi qui dort déjà si mal ! Et puis il fallait gérer aussi le chien qui, même s’il est adorable, est encore un peu foufou et saute sur les gens avec ses 27 kg ! Et là étonnement général puisque le chien fait preuve d’une douceur particulière avec son maître et a totalement changé ses attitudes. Il n’est plus un jeune chien de 2 ans mais un chien gardien qui veille sur son maître et le surveille. C’est très émouvant à voir, ce chien est exceptionnel, je m’en doutais mais j’en ai désormais la preuve ! Mon mari a passé les premiers jours assez douloureusement avec cette foutue sonde. A également commencé le défilé du médecin généraliste, des infirmières qui viennent tous les jours etc. Et puis il faut l’aider sans être envahissante ni trop maternelle, veiller à tout comme je le fais depuis toujours mais puissante 10 puisqu’il y a tout de même une surveillance accrue, il faut également veiller aux repas car mon mari a trop maigri ses derniers mois et qu’il doit reprendre du poids, mais il faut aussi s’occuper de maman de 85 ans, de la maison qui est grande et j’en passe. Encore une fois ma fille m’aide beaucoup mais elle est épuisée elle aussi.

Avant hier nous avons amené mon mari passer un examen post-opératoire à la clinique pour voir l’état de la cicatrice sur la vessie, un moment encore difficile pour lui à passer et angoissant pour nous. L’après-midi (et oui difficile d’avoir 2 rdv qui se succèdent) nous sommes retournés à la clinique voir le remplaçant de l’urologue. Là encore petite contrariété pour la surdouée que je suis : j’ai croisé sur le parking une des secrétaires avec qui je m’entends très bien et avec qui je prends de vrais fous-rires quand tout va mal et qui en plus était dans le même lycée que ma fille et là elle a fait preuve d’une vraie froideur pour ne pas dire qu’elle a été désagréable. J’ai été totalement déstabilisée par son comportement qui, bien entendu, m’a fait me remettre en question. Qu’ai-je fait de mal ?

J’ai laissé mon mari voir l’urologue seul puisqu’il était question de retirer la sonde et que je n’avais donc pas ma place lors d’un acte médical. Effectivement la sonde a été retirée parce que la cicatrisation se fait bien même si pour l’instant l’envie d’uriner ne se maîtrise pas et que mon mari doit porter des protections urinaires durant quelques temps mais le plus important n’est pas vraiment là (enfin si pour lui c’est très humiliant) parce que les résultats d’analyse de l’opération étaient déjà arrivés et que mon mari n’a plus aucune cellules cancéreuses dans le corps ! Donc exit la radiothérapie et le risque de récidive ! J’en ai pleuré de joie même si je sais qu’il faudra du temps pour régler le problème urinaire et encore plus les problèmes sexuels………….

Mais je me rends compte qu’une fois de plus je raconte les choses telles qu’elles se sont passées et je ne parle pas vraiment de moi. Alors je vais me poser la question : comment vais-je vraiment ? Épuisée je l’ai déjà dit, les infirmières à domicile qui ne me connaissaient pas s’inquiète de mon état de fatigue mais comment faire autrement ? Je me couche très tôt mais je me réveille entre 4 et 5 h du matin et les journées sont longues ensuite. Moralement je ne saurai que dire. Tout ceci a été très très perturbant et il faudra du temps pour que tout le monde se remette. Je suis heureuse que mon mari soit auprès de moi à la maison mais là encore il y a un risque pour moi qui souffre du syndrome de l’abandon : comment vais-je réagir quand il sera en état de ressortir seul, de vouloir aller travailler et quand il reprendra une vie normale ? J’ai eu si peur de le perdre durant cette intervention, vais-je réussir à surmonter ma peur une fois encore ? Et puis il y a cette histoire avec ma belle-mère qui m’a fait comprendre que beaucoup de gens avaient une idée fausse sur notre couple et une très mauvaise image de moi simplement. Mon mari a fini par dire à sa mère ce qu’il avait à lui dire à ce sujet, lui qui a tant de mal à exprimer ses sentiments et ses émotions, elle l’a mal pris mais je sais désormais ce qu’elle pense de moi et de la vie terrible que son fils mène à mes côtés et désolée mais je n’arrive pas encore à m’en foutre ! Je dois travailler sur le regard des autres et sur ce que je vaux sans me laisser démonter tout le temps………. Je sais qu’au niveau santé les choses vont aller de mieux en mieux pour mon mari, psychologiquement je l’espère vraiment, j’espère que cette année cauchemardesque tant au niveau moral que physique est derrière nous mais j’ai peur, peur de ses réactions qui ont été si étranges ces derniers mois même si je reste convaincue que c’est le cancer qui le faisait agir comme ça.

Je regardais une émission cette semaine où un homme disait : « pourquoi les femmes ont-elles toujours besoin qu’on leur parle de nos sentiments, on est là près d’elle ça prouve tout non ? » Ben non monsieur, les femmes, moi en particulier ont besoin d’entendre des mots d’amour, d’être rassurée peut-être trop souvent pour ma part mais oui, à 51 ans, je me sens vieille, moche, dépassée, effrayée et j’ai besoin d’être rassurée par un mari qui ne sait pas faire ce genre de choses……… Il dit aussi qu’il est là, qu’il me le prouve et que ça suffit. Oui, sans doute mais qu’en sera-t-il s’il ne retrouve pas ses capacités sexuelles ? Allons-nous nous éloigner ? Comment va-t-il réagir ? Je sais aussi qu’il va falloir que je m’occupe de moi, de mes désirs, de mes plaisirs mais je ne sais même ce qu’ils sont mis à part mes livres et tout ce qui m’intéresse et qui n’intéresse que moi……. Et puis j’ai peur de veillir, j’ai peur de la maladie, j’ai peur des hôpitaux, j’ai peur de la mort, j’ai perdu l’insouciance que l’on a à 20 ans !

Je voulais faire un point, je ne pensais pas qu’il serait si long et je ne sais même pas si je me sens mieux. J’ai toujours au fond de moi ce sentiment de solitude, de peur, de fatigue, il va falloir que je m’attaque à tout cela et que je puise au fond de moi encore un peu de force ………..

Tout est compliqué avec un zèbre

Hier je me suis posée beaucoup de questions sur moi-même, mes rapports compliqués avec le reste du monde, ma façon d’être, le pourquoi, le comment, bref si vous êtes zèbres ou surdoués comme moi vous comprendrez de quoi je parle.

Depuis un an tout est compliqué chez moi, crise existentielle de mon mari sans doute due à son cancer, cancer donc, disputes, explications houleuses, dispute que je pense définitive avec ma meilleure amie de 40 ans, éjection de faux-amis etc. Pourtant, j’en parle beaucoup en thérapie, je suis la personne la plus empathique, la plus compréhensive, la plus gentille que je connaisse. Alors pourquoi tous ces problèmes avec les gens depuis mon enfance ?

Après la dispute avec ma belle-mère qui est une femme fausse et méchante, je me suis mise à douter de tout, de moi, de mon mari, de tout en gros. Mais hier il y a eu aussi une dispute avec ma mère après des propos qu’elle aurait tenu sur moi rapportés par mon frère. Ma mère a toujours été ainsi, montant les uns contre les autres, disant du mal des uns aux autres pour se faire bien voir et l’âge n’y change rien du tout ! Mais encore une fois je me suis demandée pourquoi j’avais tous ces problèmes là, est-ce que les normo-pensants en ont autant que moi ? Et puis en parlant avec mon meilleur ami hier qui est à la maison en ce moment j’ai eu un début d’explication. Il me disait simplement que je n’avais pas à douter de l’amour de mon mari parce que « quand même avec ce que je l’asticotais il devait vraiment m’aimer ». Cette réflexion n’était pas méchante mais ça a été le début d’une discussion entre nous deux sur mon attitude face au monde et ensuite à une longue réflexion de ma part. Si je résume en bref le pourquoi de toutes ces disputes voilà ce que j’obtiens :

  • je ne sais pas lâcher, je veux toujours aller au bout des explications lors des disputes par exemple, je veux toujours que chacun aille au bout de ses revendications et j’asticote effectivement, je ne lâche jamais jusqu’à ce que tout devienne clair et net et que tout le monde soit réconcilié,
  • déjà avant la moindre dispute je vois tout, je sens tout et quand je ne sais pas expliquer vraiment le pourquoi des choses, je les imagine avec mon cerveau plus que fertile quitte à devenir parfois parano !
  • je pense toujours que tout ce qui ne va pas est de ma faute, j’en deviens, à mon avis, un peu nombriliste et donc j’essaye à tous prix d’arranger les choses même quand cela ne me concerne pas,
  • je ne supporte pas le moindre mensonge, la moindre cachotterie, le moindre truc qui serait dit ou fait dans mon dos, méchant ou pas, et comme la grande majorité des gens ment, cache ou dissimule je prends tout pour une trahison, pourquoi lors d’un repas par exemple faut-il dire du mal d’un absent ?
  • je suis d’une loyauté et d’une fidélité excessive, d’une fusion excessive aussi je le sais depuis longtemps et les autres ne sont pas capables de la même chose surtout au niveau où je les vis,
  • je veux que tout aille toujours bien, je veux une ambiance détendue, sans doute un peu « bisounours » même si pour cela je deviens tyrannique en voulant calmer les choses et les situations à tous prix quitte à forcer les autres,
  • je laisse les autres avoir trop d’emprise sur moi, tout me déstabilise, me blesse, me meurtrit, je ne sais pas me protéger.

Cette liste n’est pas exhaustive bien sûr mais je me rends compte que je ne fonctionne pas comme les autres et que je dois m’adapter à moins de décider de vivre entièrement seule sans amour pour ne pas blesser les autres ou être blessée et cela ne me dit rien du tout. Alors quelle est la solution à part modifier certains de mes comportements ? Je suis perdue, encore une fois tellement différente des autres et je souffre trop c’est certain mais je fais aussi souffrir autour de moi. Le monde ne correspond pas du tout à ce que je suis, à mes valeurs, à ma façon de voir les choses……………….

Mon Dieu que de travail encore à faire sur moi-même, j’en suis déjà effrayée et épuisée !

Voilà, c’est fait ….

Voilà, l’opération est passée et j’ai au moins réussi à passer ce cap………..pas seule bien sûr, avec mon meilleur ami qui est là, présent, rassurant, consolant, parfois silencieux, ma fille qui craque beaucoup ne supportant pas la situation et de devoir être séparée de son papa, de savoir qu’il est mal en point, mais j’ai passé le cap et bien sûr mon mari aussi puisque c’est lui qui est concerné !

Je sais bien que les semaines, les mois à venir seront difficiles mais l’opération est passée. J’ai laissé mon mari en clinique, terrifié, paniqué, toujours aussi en colère de devoir se faire mutiler même s’il sait qu’il sauve sa peau, car il est difficile de comprendre que l’on a un cancer quand on a aucun symptômes et que sur les radios, scanners ou autres les tumeurs ne sont pas aussi flagrantes.

La journée d’hier fut horrible, heureusement que nous avons pu lui parler avant qu’il ne descende au bloc car le reste de la journée a été une succession d’heures interminables que nous avons souvent passé dans les larmes. Pas question pour nous d’être à la clinique, cela ne servait à rien, l’opération était longue et la salle de réveil aussi et mon mari ne souhaitait pas que nous soyons là à son réveil. Ce fut dur pour nous mais c’était son souhait et après l’avoir enfin eu au téléphone à 17h je pense que c’était mieux. Le chirurgien m’a téléphonée juste après l’opération, il était satisfait de son opération, il pense que tout s’est passé mieux que prévu, qu’il a pu sauver certains nerfs et une partie de la bandelette qui était touchée en plus de la prostate. Les infirmières aussi ont été supers, me tenant au courant par téléphone de son état en salle de réveil puis de sa remontée en chambre. Elle lui ont même ouvert le coffre-fort de la chambre pour lui donner son portable pour qu’il puisse nous appeler.

Quand nous avons réussi à lui parler il était un peu confus, épuisé, perdu, toujours un peu en colère je pense. Je sais que les jours qui vont venir seront difficiles quand il voudra bouger, se lever, qu’il se rendra compte qu’il est bloqué par des sondes et des machins et surtout quand l’envie de fumer le reprendra……….Il me tarde tant de le voir aujourd’hui même si je sais que cela va être dur de le voir affaibli. Notre fille de 22 ans vit très mal tout ceci, elle est effrayée, paniquée, elle la forte, elle qui ne se laisse jamais aller s’écroule totalement depuis deux jours. L’image du père tout puissant en a pris un coup et elle assume très mal. Quant à moi, je ne sais pas. Pas d’attaques de panique depuis qu’il est là bas mais mon meilleur ami était présent et rassurant je ne suis pas sûre que ce soit une victoire mais je dors mal, je suis épuisée et je me sens sans force. J’ai aussi très peur des semaines et mois à venir. Même si certains nerfs érectiles ont été préservés et que les infirmières m’ont dit que les fonctions urinaires étaient bonnes, quelles seront les conséquences et surtout comment va-t-il réagir ? Va-t-il se battre ou tomber en dépression parce qu’il perdra, même momentanément, sa virilité ? Nous avons un peu pu parler le chirurgien et moi hier. Il a compris que mon mari lui en voulait à lui qui symbolisait son cancer et qu’il ne pourrait pas travailler avec lui en toute complicité, que ça ce sera mon rôle………..encore ai-je envie de dire !

Mais ce qui m’a fait le plus mal hier en plus du souci que je me suis fait fut une « bêtise » que j’ai faite. Ma belle-mère ne me parle plus depuis des mois et a toujours une raison pour ne pas venir chez nous voir son fils (elle a complètement zappé sa petite fille) : un coup il pleut, un coup elle est malade, un coup ci ou ça, bref. Depuis presque un an que mon mari suit une thérapie il est allé 4 ou 5 fois la voir (elle habite à 10km) pour avoir des renseignements sur son enfance, sur des souvenirs qui revenaient etc. Il lui a souvent demandé pourquoi elle ne venait plus et si j’en étais responsable, à quoi elle a répondu non si mon mari me dit la vérité. Je sais que même si elle est une mère déplorable, elle se fait un souci d’encre pour mon mari et ce qui se passe en ce moment, pas assez pour venir lui tenir la main depuis des mois mais tout de même. Donc en amenant mon mari à la clinique avant-hier je lui ai demandé s’il voulait que je tienne sa mère au courant dès que je saurai l’opération terminée et il m’a répondu non, qu’attendre lui ferait les pieds ! Oui mais voilà, hier quand j’ai vu qu’à 17 h mon mari était complètement dans le gaz, j’ai réagi en mère et je me suis dit que ma belle-mère devait être morte d’inquiétude alors je lui ai téléphoné…………..Elle était effectivement morte d’inquiétude et me disait qu’elle essayait de joindre la clinique pour avoir des nouvelles. Quand je lui ai demandé pourquoi elle ne m’avait pas appelé directement ce qui aurait été plus simple et plus logique elle m’a répondu : « ho tu sais moi je ne me mêle pas de vos histoires de couples, de vos problèmes et je préfère ne pas t’appeler » ! En bonne hyper-sensible que je suis et avec la journée que j’avais passé j’ai pété un plomb ! Je lui ai dit que nous n’avions aucun problèmes de couple, que notre couple était solide et que si son fils était en thérapie c’était plus parce qu’elle et sa famille le faisait souffrir depuis des années qu’à cause de moi, que j’aurai du faire ce que m’avait dit son fils et ne pas la tenir au courant et que ça m’apprendrait à vouloir être gentille et humaine et j’ai raccroché…………….

Cette dispute m’a achevée. Evidemment j’ai douté de mon mari, que lui avait-il raconté, qu’avait-il pu dire pour qu’elle pense que nous avions un problème ? Il a lui un problème depuis un an, ça s’appelle un cancer et des questions existentielles en plus qui vont avec et il essaye de régler plein de choses de son enfance ! Rien à voir avec moi ! Je me suis rendue malade avec cette dispute même si mon meilleur ami et ma fille m’ont fait la morale en me rappelant que cette femme était mauvaise et méchante depuis toujours, que jamais mon mari, son fils, ne lui parlait de rien, ne lui racontait quoique ce soit, qu’elle avait juste tiré des conclusions sur son mal-être qui bien sûr ne pouvait venir que de moi et pas d’elle ! Elle m’a fait douter de mon mari alors qu’il était encore dans les effets de l’anesthésie ! Mais hier soir quand j’ai pu parler à mon mari j’ai préféré le prévenir rapidement de cette dispute pour qu’il ne soit pas pris de court si elle téléphonait et bien sûr j’ai eu droit à « je t’avais dit de ne pas le faire, tu n’écoutes jamais rien, tu n’en fais qu’à ta tête » et ça m’a fait mal ! Quand j’ai dit que c’était par pure empathie de mère il a répondu qu’il savait que ça exploserait à un moment ou à un autre même si elle ne lui disait jamais de mal de moi quand il y allait. J’ai bien sûr laissé tomber le sujet en lui disant que ce n’était pas grave, que seul comptait sa santé, j’ai ravalé mes larmes. Mais j’ai mal dormi, je suis mal ce matin, pourquoi est-il en colère après moi d’être gentille à chaque fois ? Pourquoi quand il aura sa mère au téléphone il ne prendra jamais ma défense, ce qu’il ne fait pas depuis 25 ans ! Je n’avais pas besoin de ça en ce moment, je doute encore une fois de moi, de lui, cette femme est une plaie je le sais depuis le temps, pourquoi ai-je fait preuve d’empathie avant de faire preuve d’intelligence ? Je sais que je ne serai pas soutenue par mon mari qui me dira que je n’avais qu’à me tenir tranquille et l’histoire passera ainsi, je suis et je resterai la méchante et lui le pauvre homme qui gâche sa vie avec une folle comme moi………..c’est ce qu’ils pensent tous depuis 25 ans et ça fait mal. Et depuis qu’ils savent pour ma surdouance c’est encore pire, je suis donc bien une folle !

J’espère que le fait de le voir aujourd’hui me fera du bien, lui fera du bien, nous rapprochera tous les 3. Je suis fatiguée, épuisée, stressée et totalement perdue ! Et je n’ose penser au moment où mon meilleur ami rentrera en Belgique lundi prochain…..

Etre (trop) différente

En ce moment où nous vivons un événement difficile et brutal chacun réagit de manière très différente au sein de ma famille. Sauf que j’ai l’impression d’être la seule à réagir comme je le fais et que je me sens de plus en plus différente et isolée………….

Mon mari a des réactions violentes, parfois étranges, venant de sa peur intense de l’opération, des gestes médicaux mais aussi de l’après, des suites, du retour ou pas d’une vie sexuelle normale. Je fais comme je peux pour l’aider mais je découvre dans ce moment difficile qu’il est encore moins fusionnel que je le pensais, encore plus solitaire que je le pensais et il est de moins en moins démonstratif lui qui l’était déjà peu. Je découvre du même coup ses profondes blessures d’enfance et toute la merde que sa famille lui a mis dans la tête. Bien sûr j’essaye de lui montrer une autre façon de voir, une autre façon de percevoir les choses et il n’accepte pas dans un premier temps, se met très en colère et puis je sais qu’il réfléchit et modifie petit à petit sa conception des choses. Mais ces disputes me laissent vidée parce qu’il peut-être cruel en paroles dans les disputes dans ces moments là et souvent ses attaques concernent ma surdouance, ma façon de penser, de réagir qu’il prend pour une forme de persuasion, une pression sur ce qu’il est alors que je ne fais que lui montrer une autre voix et de partager un autre point de vue. Dans les jours qui suivent ces disputes je me sens nulle, différente, seule, si seule parce que souvent je ne comprends pas ce que j’ai dit ou fait qui a engendré ces réactions si virulentes……….

Notre fille elle réagit de manière approchante celle de son père. Elle alterne entre déprime profonde qui la fait pleurer durant des jours et effondrement total qui la laisse mutique, dans son coin, elle devient une ado elle la jeune femme qui n’a jamais fait de crise d’adolescence ! Mais surtout elle s’énerve après tout et tout le monde et bien sûr après moi aussi ! A J-5 de l’opération elle est morte de trouille ce que je partage et que bien sûr mon mari partage encore plus. Mais je n’ai pas l’impression de leur faire payer ma peur panique de cette semaine d’opération ! Nous nous disputons rarement toutes les deux, nous discutons, nous sommes une mère et une fille fusionnelles pourtant hier j’ai craqué devant ses réactions. Et là encore j’ai pris cher. Comment est-ce que j’arrive à faire dire aux gens des choses si blessantes ? Comment puis-je arriver à pousser les gens à de telles extrêmes ? Ou alors ce n’est pas moi qui provoque ça mais ce sont des reproches, des choses blessantes que se disent les normo-pensants entre eux ? Je sais que je ne suis pas tendre non plus dans les disputes, je pointe souvent du doigt ce qui ne va pas chez eux, leur incohérence et je déclenche ces avalanches de reproches. Je ne sais plus………..

Ce que je sais c’est que je me sens tellement différente des autres, tellement seule que parfois je me dis que tout le monde serait plus heureux, plus apaisé si je n’étais pas là, si je partais. Suis-je faite pour vivre seule parce que je suis surdouée et différente ? Mais je ne conçois la vie que dans le partage et la fusion. J’ai souvent envie en ce moment de partir, de voir comment ils réagiraient si je n’étais plus là ! Mais voilà, ma peur, mes attaques de panique m’empêchent de partir seule et puis mon empathie qui me fait me mettre à leur place m’en empêche également. Ils seraient sans doute morts d’inquiétude, ils se culpabiliseraient. Je n’ai jamais fugué ni même désobéi à l’adolescence alors je ne me vois pas le faire à l’âge adulte. Mais franchement je vois bien que ma différence dérange tout le monde, que mon besoin de fusion, de compréhension, mon besoin de comprendre, de savoir pourquoi chaque membre de ma famille réagit comme ci ou comme ça devient intolérable. Je suis sans doute un peu tyrannique aussi même si je pense que mon empathie immense et mon sens de l’écoute remplace tout. J’ai sans doute tort.

Je n’en peux plus d’être si différente des autres, d’essayer sans cesse de m’adapter à ce que sont les autres, à devoir modifier sans cesse mon comportement parce qu’il est mal compris ou que je blesse sans le vouloir. Et surtout je n’en peux plus de mon hypersensibilité qui me fait prendre chaque mot de chaque dispute comme « le mot de trop », la blessure de trop.

Comment se passeront les choses quand l’opération sera passée et que mon mari rentrera ? Comment se passera le rétablissement surtout si les fonctions urinaires ou sexuelles sont touchées et qu’il réagit aussi violemment ? Jusqu’à quand je vais tenir moi, jusqu’à quand je vais essayer d’être patiente ? Attention ma famille, mari ou fille, ne sont pas des monstres, des êtres méchants ou même pervers, non ils sont très très différents de moi et j’accepte de plus en plus mal cette différence d’autant que ma fille ressemble de plus en plus à son père et je me sens de plus en plus isolée.

Je n’en peux plus d’être si différente, je me sens si seule………..

Les souvenirs de l’enfance

En cette période difficile, à J-10 de l’opération de mon mari et donc de cette hospitalisation qui va nous séparer et des suites opératoires qui nous terrifient, les attaques de panique reviennent en flèche dans ma vie. Alors je sais qu’il faut, en parallèle de tout le reste, que je recommence à travailler sur le pourquoi de ces attaques qui me laissent KO. Après des années de thérapies classiques où l’on m’a fait croire que c’était de l’agoraphobie, je sais donc que ce n’est pas ça, que le fait de rester seule de plus en plus ne m’habitue à rien et ne fait pas diminuer ma peur par habitude, je sais aujourd’hui que je souffre d’un très fort sentiment d’abandon à origines multiples. J’en connais certaines mais je continue à chercher les autres.

J’ai ce que l’on pourrait appeler des souvenirs sur papier glacé, c’est à dire des souvenirs sans émotions et sans ressentis et avec la psychologue que je suis à présent je sais que je dois arriver à faire sortir les émotions que j’ai enfouies pour les exprimer et les régler. Je l’ai fait pour certains gros événements de mon enfance, la mort de mon frère, l’indifférence voire la froideur de ma mère avant et après cette mort, les absences professionnelles et amoureuses de mon père, l’histoire familiale plus ancienne (je suis une petite fille de la Shoah) et l’attitude de ma mère vis à vis du fait que je n’étais qu’une fille………. Oui mais voilà ça ne suffit pas je le sens bien.

Il y a quelque temps, j’en ai parlé ici, j’ai revécu un souvenir sur papier glacé où je me réveillais de la sieste avec mon petit frère, où la maison était déserte et où je pensais sincèrement du haut de mes 4 ans que maman nous avait abandonné. Mais il y a un autre souvenir qui me revient régulièrement, toujours sans émotions, toujours comme une image sur papier glacé : le jour où mon père m’a annoncé que maman avait fait une fausse-couche et qu’elle était en clinique. Hier durant une séance d’auto-hypnose, j’ai revécu cette scène et je me suis retrouvée terrifiée. Je pensais encore une fois que maman (ou le bébé mort ?) m’avait abandonnée et que j’étais seule au monde. La scène se passait ainsi, j’étais dans la cour chez la voisine d’en face à la sortie de l’école et papa s’agenouillait devant moi en pleurant pour me dire que maman avait perdu le bébé et qu’il devait partir la rejoindre et qu’ils rentreraient le lendemain et qu’en attendant je devait aller chez des amis. J’ai ressenti ce même vide abyssal que quand j’ai une attaque de panique aujourd’hui, quand mon mari part pour le travail surtout entre midi et deux heures où les pharmacies sont fermées, cette même peur, cette même terreur de l’abandon, d’être livrée à moi-même, d’être abandonnée. Et vient s’ajouter depuis quelques mois une autre peur celle que mon mari me mente et ne parte ailleurs. Mais ceci fera l’objet d’un autre article.

Quand j’ai téléphoné à mon père à la suite de cette séance pour avoir plus de précisions sur ce jour-là parce que maman ne se souvient jamais de rien, j’ai eu une grosse surprise. La scène ne s’est absolument pas passée comme ça ! Je n’étais pas chez la voisine d’en face mais chez nos amis, avec mon frère qui n’apparaît absolument pas dans mon souvenir, attablés tous les deux pour le goûter quand papa est arrivé. Effectivement il s’est agenouillé devant nous en larmes, nous pleurions tous les trois, il nous a bien expliqué que maman avait perdu le bébé mais il nous a ramené à la maison et est resté avec nous la soirée et la nuit avant de nous ramener chez nos amis et de partir chercher maman en clinique…………. Bien sûr quand je lui ai parlé du sentiment d’abandon de ce moment là il s’est énervé en me disant que je n’avais pas du tout été abandonnée puisqu’il avait passé la soirée et la nuit avec nous. Alors je me suis posée mille questions : qu’est-ce qui compte le plus, les souvenirs que l’on a fabriqué ou la vérité des faits ? Pourquoi ai-je eu à ce moment là la terrible impression que maman nous abandonnait ? Quel rapport avec mes peurs de certaines heures qui n’ont rien à voir avec celles décrites dans cette scène ?

Je me suis souvenue d’un récit de Boris Cyrulnik sur son évasion pendant son arrestation. Toute sa vie il a cru qu’il ne devait sa survie qu’au fait de s’être cachée dans une ambulance sous le corps d’une morte et il a appris des années et des années après que cette femme n’était absolument pas morte mais blessée……….Alors j’ai cherché et tous les psys disent que ce qui compte c’est le souvenir fabriqué, le ressenti de ce souvenir, peu importe la réalité en fait. Ce qui reste au final est cette émotion, ce ressenti. Peut-être ai-je tout de même besoin de la véracité des faits pour remettre les choses à leur place et me rendre compte que je n’ai jamais été abandonnée, je dois voir ça avec la psy sans doute.

Ce que je ne comprends pas c’est pourquoi malgré tout le travail que je fournis sur moi-même je n’arrive pas à me débarrasser de cette impression d’abandon que je revis en ce moment avec mon mari et sa maladie. Je n’ai plus 5 ans, j’ai 51 ans, je suis capable de comprendre les choses passées et présentes, je suis capable de prendre soin de moi etc alors pourquoi malgré la méditation, l’auto-hypnose etc je n’arrive pas (encore) à en sortir ? En quoi ma surdouance influe-t-elle sur tout ceci ? Hypersensible je sais bien, un peu dépressive par moment je sais aussi mais pourquoi avec ce cerveau là je n’arrive pas à régler ma problématique ? Un jour, un psy m’a dit : « ha si seulement vous étiez plus bête vous vous en seriez déjà sortie ! ». Cette phrase m’a hantée des années jusqu’à ce que j’apprenne pour mon côté zèbre. Aujourd’hui la psychologue me dit que je serai toujours angoissée mais que j’apprendrais à gérer mes attaques de panique surtout en comprenant d’où elles venaient.

Je suis fatiguée de gérer la maladie de mon mari, sa peur extrême, notre incertitude quant à la suite post-opératoire, la séparation aussi quand il sera en clinique même si mon meilleur ami sera là « presque » jusqu’au bout, et le presque est si important pour ma peur…………. Ce souvenir revenu va-t-il faire avancer les choses ? Pourquoi ai-je l’impression d’être anormale sans cesse et surtout de ne pas être capable de passer au-dessus de ces peurs d’enfant ?

Le cancer

Mon mari a un cancer. Il sait que son cancer est pris à temps, qu’il ne va pas mourir, de ça tout du moins, mais il est au fond du trou depuis des mois maintenant.

On va toucher à sa virilité, son organe masculin, sa prostate avec menace de ne plus avoir de vie sexuelle normale par la suite (50% de chance et de malchance). Il a subi une batterie d’examens qui lui ont tous fait plus peur les uns que les autres, il a été pris d’une colère, d’une rage contre les médecins, il se sent un rat de laboratoire à la merci de chaque médecins qui prescrit un examen puis un autre………

Même si j’ai peur de chaque examen moi la phobique des hôpitaux et la femme qui n’arrive pas à rester seule je sais que cette opération le sauvera mais ce qui me terrifie c’est son changement d’humeur depuis des mois. J’ai pu parler à une amie qui a eu un mari malade d’un autre cancer et qui a traversé les mêmes choses que moi mais, même si cela me rassure, cela ne calme pas mon angoisse.

Il est enfermé dans sa bulle de douleur et de peur, de terreur même, lui qui était déjà mutique et secret devient totalement hermétique. Il y a des jours où je n’arrive même pas à l’atteindre ! D’autres jours il n’est que colère et rage et s’en prend même à moi qui ne comprend rien soi-disant. Ces jours-là il se transforme en espèce de monstre qui peut dire des horreurs, le contraire de tout ce qu’il a pu dire en 25 ans de mariage, je ne vois dans ces yeux que haine et plus aucune tendresse et ça me terrifie. Je sais que je ne devrais pas croire ce qu’il dit à ce moment là quand il dit qu’il va partir, aller se soigner seul, qu’il ne peut gérer sa maladie et nous en gros etc……..Il dit que son monde s’écroule et qu’il ne sait plus comment s’en sortir et quand je lui suggère de s’accrocher à moi, à nous, à notre couple il dit qu’il n’y arrive pas, qu’il sait qu’il m’aime mais qu’il a l’impression que rien, même pas moi, n’apaise son angoisse. Et moi pauvre débile de surdouée, j’essaye de parler, d’expliquer, de lui montrer une autre façon de voir et il m’en veut même si parfois il m’écoute mais je ne sais pas si ce que je dis entre dans sa tête. La psy dit qu’il n’écoute que moi au monde, que moi seule ai du pouvoir sur lui, que je dois garder confiance mais je doute tellement de moi.

Il reste 15 jours avant l’opération qui va être une horreur pour lui mais pour moi aussi qui sera séparée de lui du moins durant les premiers jours car il veut rester seul au moins le jour de l’opération tant il a peur de ses réactions. Je voudrais être calme, sereine, sûre de moi, de lui, de notre amour mais parfois il dit de telles horreurs que je doute de tout. Il me rassure en me disant qu’il dit n’importe quoi dans ces cas là ou plutôt qu’il dit ce qui lui passe par la tête à ce moment là, ce moment de rage et que je ne dois pas en tenir compte mais je n’y arrive pas. Je me sens vivre dans une insécurité totale, une impression qu’il est capable de tout foutre en l’air, nous, notre couple sur un coup de tête tant il est perdu. Je voudrais être forte, solide, pas hypersensible comme je le suis. Je voudrais ne pas me laisser perturber par une attitude, un mot, un geste mais je n’y arrive pas.

Je savais que le cancer changeait les gens, on m’avait prévenue mais je ne pensais pas que c’était à ce point là surtout ce cancer là qui touche à la virilité d’un homme ! Se disputer parce que je veux lui servir une salade, ce que je fais depuis 25 ans puisqu’il est habitué à se faire servir, et le voir hurler qu’il peut le faire, qu’il n’est pas impotent me rend totalement abasourdie et pétrie de peur. Le cancer change un homme, une femme, une famille c’est un fait et je sais qu’il faudra reconstruire ensuite surtout si tout ne fonctionne pas comme il le veut ensuite mais si nous n’y arrivons pas ?

Le stéréotype du surdoué

Hier, pour se détendre un peu, j’ai voulu montrer à ma fille un film que j’adore « Will Hunting ». C’est un film que j’ai beaucoup vu, comme « le cercle des poètes disparus » avant de découvrir ma propre surdouance. Hier, quand j’ai dit à mon mari que nous allions regarder ce film il a répondu :  » ça va te faire mal……. ». Sur le coup je n’ai pas compris, j’ai vu ce film 5 ou 6 fois et ça ne m’a jamais vraiment fait mal………. »oui, mais c’était avant que tu ne saches pour toi » a-t-il rétorqué.

« Avant que tu ne saches pour toi »…………. Justement avant je pensais qu’être surdoué(e) c’était être capable de résoudre des énigmes mathématiques de haut niveau, c’était être un génie, Einstein quoi, savoir lire avant d’entrer à l’école ou jouer du piano comme Mozart et composer des symphonies à 5 ans ! C’était ça pour moi être surdoué. Je voyais ce Will Hunting comme un garçon violent et tourmenté à cause de son enfance, de son milieu pareil pour sa rébellion.

Mon mari n’avait pas tort. Regarder ce film que j’adore m’a fait mal, je ne l’ai pas du tout vu comme les précédentes fois. J’ai compris plusieurs choses en le regardant, d’abord je me suis toujours excusée d’exister, j’ai toujours voulu prouver que je méritais l’amour que l’on me portait, amour que je mendiais, je me suis rendue compte aussi que je ne me suis jamais permis de vivre ce dont j’avais envie parce que j’avais l’impression d’être un imposteur. Oui j’ai toujours su que j’étais différente, que je ne pensais pas comme les autres, je comprenais plus vite et ne comprenais pas que les autres ne puissent pas me suivre, je pensais qu’ils faisaient preuve de mauvaise volonté quand ils n’arrivaient pas à faire ce que moi je parvenais à faire dans tous les domaines. Oui j’ai passé ma vie dans les livres, puis sur internet à me renseigner, à savoir, à découvrir, à vouloir comprendre le monde qui m’entoure. Oui, j’ai saoulé tout le monde depuis l’enfance à vouloir savoir tout et n’importe quoi. Oui j’ai eu la vie maritale dont je rêvais en gros parce que dans ce domaine là je me suis donné les moyens, parce que c’est un domaine réservé aux filles, pas un truc de surdoué, c’est la norme et surtout c’était la seule chose dont je rêvais : un amour inconditionnel, un être qui m’aimerait enfin pour moi-même et avoir des enfants, surtout avoir des enfants. Et là je ne me suis pas loupé, mon couple est compliqué mais solide et ma fille est la fille dont rêve tous les parents…….

Oui mais le reste ? J’ai toujours crié haut et fort que je n’avais aucune ambition, aucun désir professionnel, c’est vrai, c’est toujours vrai. J’ai un rapport à l’argent compliqué, j’en veux pour vivre et ne pas avoir de soucis mais je ne cours pas après et je n’arrive pas à faire les choses pour l’argent. Je ne gère pas celui du foyer et je me suis déchargée de tout ceci sur mon mari qui n’est pas plus doué que moi mais qui assure parce qu’il est un « homme ». Oui j’ai toujours été passionnée, rebelle, ramenant ma fraise tout le temps, partout, oui, j’ai un souci avec la hiérarchie, l’ordre établi. Mais en regardant ce film je me suis rendue compte que j’avais eu et que j’avais encore des rêves, m’épanouir artistiquement surtout en écrivant mais j’aurai adoré être actrice aussi. Tout ce qui tourne autour des mots et de la culture me passionne. Mais je ne m’en suis jamais donné les moyens, pas assez douée, pas à la hauteur de ce que je voudrais être, lâcheté, manque de courage sans doute, syndrome de l’imposteur aussi………

Moi aussi j’aurai aimé croisé sur mon chemin un Robbin Williams que ce soit en thérapeute ou en professeur comme dans « le cercle des poètes disparus ». Ces deux rôles et surtout cet acteur me parlent plus que tout. Personne ne m’a guidée, personne ne m’a dit qui j’étais et ce dont j’étais capable. Oui sans doute suis-je capable de tout faire dans la vie c’est pourtant ce que je fais au quotidien. J’ai appris mille choses toute seule, des activités plutôt artistiques, rien ne me rebute, quand j’ai envie de faire quelque chose j’apprends à le faire et je pensais vraiment que tout le monde en était capable. C’est vraiment difficile d’avoir été détectée à 50 ans, d’apprendre jour après jour à se connaître, à découvrir ses spécificités mais surtout je ne sais même pas quoi faire avec tout cela……

Quand le film a été terminé, j’étais mutique (rare chez moi), enfermée dans mes questionnements, j’essayais de comprendre ce qui, chez moi, pouvait ressembler à ce génie des maths moi qui sais à peine faire une division à 3 chiffres. Je sentais que je ressemblais à ce jeune garçon mais en quoi ? Mon mari et ma fille m’ont parlé, m’ont expliqué ce qui chez moi était identique à ce héros de films, ce qu’ils avaient reconnu de moi chez lui et surtout m’ont rappelé qu’être surdouée ce n’était pas uniquement être un génie scientifique ! Alors bien sûr j’ai fait des recherches sur internet pour comprendre un peu plus qui je suis. Et oui il y a les génies scientifiques mais il y a aussi des intelligences multiples, les surdoués émotionnels peu reconnus, les surdoués verbaux, l’intelligence perceptive avec ses prémonitions et ses capacités à lire dans les pensées et le cœur des gens mieux qu’eux mêmes, et tout ces profils dans lesquels je me suis reconnue. Je ne parlerai pas ici de la violence qui découle parfois d’être incomprise ou de se sentir différente, seule, d’être parfois si difficile à vivre pour ceux que j’aime, de ma rébellion permanente, de mon idéalisme aussi ou de certaines convictions profondes.

Après la semaine très difficile que je viens de passer (on a découvert qu’en plus du cancer de la prostate mon mari avait un problème à un oeil qu’il fallait opérer très vite et sa réaction a été……….plus que vive ce qui nous a encore valu une belle dispute mais je ferai un article sur les réactions violents des gens ayant un cancer plus tard) ce film m’a perturbée, vraiment perturbée et je dois transformer ce sentiment en quelque chose de constructif ! Et quand je me pose la question de ce que je veux vraiment faire de ma vie, il serait temps à 51 ans, je me dis que la seule chose que j’aime outre apprendre c’est écrire. Mais là encore je bloque, écrire quoi, en suis-je capable ? Ai-je du talent même si j’étais très douée à l’école ? Moi je veux être Pagnol ou d’Ormesson ou rien mais quand apprendrais-je à être juste moi-même ? Et puis c’est qui déjà moi ?

Un jour une copine pas du tout surdouée mais très très sûre d’elle m’a dit qu’elle avait écrit un livre et qu’elle l’avait fait publier chez un petit éditeur. J’étais très heureuse pour elle et j’ai acheté ce livre. Je crois que c’est le truc le plus nul qu’il m’ait été donné de lire, une nullité totale, mal écrit, plein de gros mots, une histoire lue cent fois pour moi la grande lectrice. Bref, j’ose le dire, une merde ! Elle ne m’a jamais demandé ce que j’en pensais parce que j’aurai été obligée de mentir et que je déteste ça et puis peu de temps après j’ai arrêté de la fréquenter. Cette histoire m’a mise vraiment en colère car elle, sans aucun talent, avait eu le courage de croire en elle et avait réussi à se faire publier (a-t-elle payé je n’en sais rien) et moi je n’avais même pas le courage d’essayer ?! Et puis mon frère a aussi écrit un livre qui a été publié mais là par contre j’ai adoré, en toute objectivité. Il a du talent (il est photographe de métier), il écrit bien, son histoire est formidable et j’en ai pleuré en le lisant tellement je trouvais ça bon ! Alors je me suis dit que je n’avais pas son talent et j’ai rangé mes rêves……….encore !

Etre un homme

Depuis l’annonce du cancer de la prostate de mon mari, des explications sur l’opération et surtout sur les séquelles urinaires et sexuelles je me rends compte que mon mari, comme sans doute beaucoup d’hommes, a un vrai problème avec l’image virile de ce que doit être un homme et c’est là que les choses pèchent et qu’il coule………..

Je comprends sa peur des examens médicaux, sa peur de l’opération, de la douleur, des piqûres moi la phobique des hôpitaux et de la maladie mais je découvre, après 25 ans de mariage, l’image qu’il s’est forgé de ce qu’est être un homme. Il a grandi dans une famille d’hommes, un père assez macho qui est une sorte de caricature d’homme dans tout ce que je déteste et 2 frères qui ont tout fait pour ressembler à leur père. Quant à ma belle mère ce n’est pas mieux, son image des hommes est la même. Ce qui caractérise un homme à leurs yeux c’est la sexualité et le statut social et surtout ne pas se montrer faible et ne pas montrer ses émotions, c’est faire du sport et ne pas se laisser aller : « tu es un homme bon sang ! »

Mais ce n’est pas tout. Mon mari a des rapports compliqués avec sa famille car il s’est toujours senti un peu différent d’eux. Il s’est forgé dès l’enfance une carapace dans laquelle il s’est enfermé et où on enfouit ses émotions, ses ressentis, il est mutique de nature, secret, renfermé et si je savais tout ceci je découvre tout un pan que je ne connaissais pas. Depuis l’annonce il a d’abord été sous le choc car on va lui retirer un organe primordial pour un homme, on va toucher à sa virilité, à ses érections qui risquent de ne jamais revenir, à son système urinaire qui fera de lui un vieillard (c’est ce qu’il pense), puis il a été en colère, il a ressenti une rage immense contre les médecins, le milieu médical qui va le mutiler et contre moi qui le pousse à voir le positif et qui parfois donne raison aux médecins qui estiment son état mental plutôt négatif. Son combat contre le cancer il le met contre le milieu médical. Pourquoi pas………. Mais en même temps il est infiniment triste, pleure subitement, essaye de le cacher, va s’enfermer aux toilettes ou prétexte une course, je le vois cacher ses larmes lorsqu’il est en train de travailler à l’ordinateur et malheureusement pour lui je vois tout, ressens tout ce qu’il ressent et rien ne m’échappe.

J’essaye de parler avec lui, de lui faire sortir ses émotions, aidée par la psy ou par l’infirmière d’annonce de la clinique mais c’est si difficile. Il ne comprend pas ce qui lui arrive et quand j’essaye d’être positive en lui parlant de tout ce qui existe au niveau de la récupération de sa (notre) vie sexuelle il n’écoute pas. Il reste sur la mutilation, l’amputation d’un organe et l’homme handicapé qu’il pense devenir. Bien sûr mon esprit de zèbre essaye de lui faire comprendre qu’il est un être humain avant d’être un homme, que les médecins lui ont dit qu’il n’allait pas mourir, qu’on s’adaptera à l’après, que je l’aimerai quoiqu’il arrive, que pour moi il restera un homme avec ou sans érection, qu’il reste la sensualité, l’érotisme, le désir, qu’il y a des techniques que jamais je ne le verrai autrement que comme un homme, mon homme mais je me rends compte que son image de l’homme est bien ancrée en lui et j’ai peur de l’avenir.

Hier soir alors que nous étions sur le canapé il s’est mis à pleurer, je l’ai pris dans mes bras, je lui ai dit de se laisser aller, que c’était normal, humain et même pour un homme mais il n’y arrive pas. Il dit pourtant qu’il n’a confiance qu’en moi, que je suis tout pour lui mais quand je l’ai un peu obligé à mettre sa tête sur mes genoux et à sortir toute sa peine il bloque. Il n’y a rien de nouveau dans mon comportement j’ai toujours été une femme très maternelle, très maternante, rien de neuf là dedans mais lui pense que ce n’est pas être un homme que de pleurer dans les bras de quelqu’un. Il dit même que si les choses étaient inversées il serait mort d’inquiétude mais que dans le cas actuel il n’accepter pas mon inquiétude, que ce n’est pas pareil ! Pourquoi ? Parce qu’il est un homme………………et que je n’ai pas à me rendre malade pour lui. Quand je lui suggère d’appeler son père ou ses frères dont il n’a plus aucune nouvelles depuis l’annonce du cancer, comme en temps normal d’ailleurs, il refuse. Il dit qu’il ne veut pas leur montrer qu’il va mal et quand je suggère que peut-être ils ne se doutent pas de son état psychologique, qu’ils ne peuvent pas savoir s’il ne dit rien, il répond qu’ils n’ont qu’à se renseigner et qu’il ne veut pas leur montrer son désarroi.

Je suis perdue, triste, je me sens si seule. S’il attend juste que je sois là en silence à le regarder couler, je n’y arriverai pas, ce n’est pas moi. Il sait qu’il a épousé une femme maternelle, attentionnée, aimante, patiente, câline, je ne peux pas devenir quelqu’un d’autre sauf le laisser plus respirer et moins l’étouffer, ce que je me force à faire. Hier il m’a avoué que seul son regard à lui sur son statut d’homme comptait, que le mien………..il n’arrivait pas à le prendre en compte. Il sait mon amour inconditionnel est-ce pour cela ? N’est-ce pas important de savoir que votre femme vous aime dans n’importe quelles circonstances ? Qu’elle vous voie comme un homme que vous ayez une érection ou pas ? Je suis démunie devant son image masculine qui est si loin de la mienne, moi je vois un être humain, l’homme que j’aime et pas un malade du cancer. Les psys, la nôtre et celle de l’hôpital, arriveront-elles à lui montrer une autre image de l’homme ?

J’ai si peur de l’opération, qu’il souffre mais plus encore, je crois, de sa façon de réagir après…………et même s’il dit que moi seule ai du pouvoir sur lui, serais-je capable de lui rendre sa virilité érection ou non ? Mais bon sang qu’apprend-on aux petits garçons ? Je hais sa mère, sa père et tout ce qu’on lui a inculqué et il pense pour les défendre que c’est lui s’est forgé cette image virile tout seul, comment va-t-il s’en sortir ?